“J’essaie d’être principalement musicien” : interview avec Skhyd
Rencontre avec Skhyd, de son vrai nom Julien Jaubert, personnalité du monde de la musique, très proche de la scène rap, qui se démarque de par sa polyvalence au sein de cette industrie.
Dans la biographie de ton Instagram tu te définis comme employé polyvalent, qu’est-ce que ça veut dire ?
J’essaie d’être principalement musicien, c’est ça que je fais à la base. Ça englobe le fait que je sois compositeur, réalisateur et auteur en fonction des morceaux. Depuis 2-3 ans, je suis aussi éditeur. Sinon, quand les clubs sont ouverts je suis aussi DJ. Il y a un temps, j’ai été journaliste musical mais j’ai plus ou moins arrêté. Je suis également un peu derrière le rideau en ce qui concerne les choses plus institutionnelles comme la défense des droits des artistes. Mais ce que je veux dire par employé polyvalent, c’est le fait que je suis vraiment ultra satisfait de travailler dans le milieu de la musique et j’aime bien la perspective de pouvoir changer de fonction tout le temps. Je trouve ça marrant que certaines personnes ne me connaissent qu’en tant que journaliste, d’autres en tant que musicien et d’autres en tant qu’éditeur.
Y a-t-il une activité qui te plaît plus ou sont-elles toutes complémentaires ?
Tout est complémentaire. Je préfère composer la musique, la poster et voir ce que les gens aiment mais tout va de pair. Si j’étais juste musicien, je n’aurais pas compris les choses plus institutionnelles que tu apprends quand tu fais des articles ou des chroniques.
Comment est née ta passion musicale ?
C’est totalement de la triche, mon père produisait de la musique et mes frères faisaient de la musique également. Je n’avais presque pas le choix !
Quelle a été ta première expérience musicale ?
Émotionnellement, c’était au lycée. J’avais fait une petite instrumentale et un pote de pote avait posé dessus et j’étais grave content de me dire que je pouvais faire ça. Après, professionnellement, le premier truc que j’ai placé c’était pour un ancien groupe de rappeuses qui s’appelait Orties et c’était la première fois qu’il y avait mon nom dans les crédits. Ça m’a mis la puce à l’oreille, me dire qu’il y avait quelque chose à faire.
Quelles sont les créations musicales que tu préfères faire ?
Ça varie, mais j’aime bien quand c’est compliqué et qu’il y a le plus d’instruments possible. Mais franchement ça dépend, en ce moment mon kiff c’est les piano-voix donc j’ai soulé tous les artistes avec qui j’ai travaillé en novembre sur ça. Ce qui me plaît le plus quand je suis avec les artistes c’est capturer quelque chose qui est de l’ordre du moment qu’on partage et d’en faire une œuvre, le style c’est secondaire.
Tu fais partie de la GAM, qu’est-ce que c’est et quel est ton rôle ?
La GAM c’est la Guilde des Artistes de la Musique, c’est une association qui défend les intérêts des artistes, co-fondée par le chanteur Axel Bauer, l’auteur-compositeur-interprète, Suzanne Combo, Isaam Krimi qui fait le hip-hop symphonique et Antoine Guéna, ex Fonky Flav’. Après, moi, je n’ai pas officiellement de rôle, je suis adhérent et je travaille beaucoup avec Suzanne sur un collectif qu’on a fondé qui s’appelle CURA autour de la santé des artistes et qu’on a fait naitre administrativement au sein de la GAM. Personnellement, je suis fan de ce qu’ils font et la Cura est presque mon excuse pour rentrer en contact et bosser avec Suzanne. En ce moment, comme Suzanne est membre du conseil d’administration du Centre National de la Musique, on a pu réfléchir avec elle sur des propositions à faire concernant le partage de l’investissement du gouvernement pour soutenir le secteur durant la crise. Voilà, c’est ça la GAM. En tant qu’artiste je trouve ça important d’avoir des interactions en direct avec les gens qui comptent.
J’écoute certaines de tes playlists Spotify, comment peux-tu nous expliquer ta passion pour les jeunes artistes ?
Moi-même ayant été un jeune artiste, j’aurais trop aimé que quelqu’un tombe sur mes sons, les partage et les mette en playlist. Je suis stimulé par le fait qu’il y ait des artistes qui soient au tout début, ils ne savent pas tout, il y a des imperfections. J’ai une vision romantique de l’art et j’aime créer de nouvelles histoires. Ce serait plus économiquement viable pour moi de dire : “Je vais faire des hits avec Maes”, mais ça me passionne moins.
Qu’est-ce qui t’a poussé à faire du journalisme ?
Je n’ai pas envie de faire le mec qui a le syndrome de l’imposteur mais je ne me suis jamais vraiment considéré comme un journaliste, mais je comprends les gens qui me disent : “Ah ! Mais tu es journaliste !”, donc je ne renie pas le terme. Quand j’étais petit, j’étais trop fan d’Olivier Cachin, le premier livre que je me suis acheté c’était un de ses livres sur le rap. Après, j’ai toujours été un gros consommateur de l’ABCDR du son… Mais sinon, en 2015, j’avais produit un projet pour le rappeur Rufyo et c’était ma première expérience en interaction avec les médias et je trouvais ça ouf qu’il y ait des gens qui prennent le temps de réfléchir sur ce qu’on avait fait. Du coup, j’avais envie de comprendre cette perspective quand c’est toi qui écris, critiques et réfléchis. Après, je m’étais fait un blog sur le site médium en anglais où je parlais du rap américain, ensuite c’est Lenny Sorbé qui m’a convaincu d’écrire en français pour son site Yard. Après, c’est Mehdi Maïzi qui m’avait invité sur NoFun et en tant que gros fan de cette émission je ne pouvais pas dire non.
Un de tes plus gros articles c’est sur la santé mentale des artistes, à quel moment tu t’es dit que c’était un sujet sur lequel il était intéressant d’écrire ?
Moi-même travaillant dans ce milieu je sentais qu’il fallait synthétiser quelque chose dans le temps comme peuvent le faire les articles. Je ne voulais pas écrire juste un article et qu’au final les gens ne me disent que : “Ah ! Yes ! Super que tu aies écrit dessus”, je voulais des actions derrière. C’est pour ça notamment que dans l’article je disais que la GAM ne traitait pas ce sujet et c’est comme ça que j’ai rencontré Suzanne. Après, on a mis en place des ateliers, on a fait une enquête exploratoire sur le genre qui donne des premiers chiffres qui dépassent même le plan de la santé et qui vont sur le harcèlement par exemple, dont les chiffres sont repris par Mediapart notamment. Voilà donc ne pas être que dans le constat journalistique mais aussi dans l’action.
Si tu dois choisir trois albums de tout temps, ce serait quoi ?
D’abord Yeezus de Kanye West, Deux Frères de PNL et pour finir, une réponse d’hipster, Black Ivory de Wanda Robinson un album très peu connu de 1971.
Que peut-on te souhaiter pour le futur ?
De cesser de procrastiner et sortir un peu plus de musique, c’est totalement l’objectif en 2021. Et sinon, il faut me souhaiter de faire plein de belles choses avec le groupe HIBA!
Découvrez la dernière production de Skhyd, ici, en lien avec Junior a la prod pour une chanson de Cashmire.
Propos recueillis par Corentin Bernard
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